INTERVIEW
- Quels photographes vous ont donné envie de faire de la photo ?
Mathieu Zazzo : Robert Frank, William Eggleston, Bernard Plossu, Marc Trivier, Sally Mann. Des portraitistes, aussi, qui ont beaucoup travaillé avec des musiciens, comme Anton Corbijn dont j’admire beaucoup le travail, et en France, Richard Dumas. Quand j’étais ado, c’est aussi la lecture des
Inrockuptibles (à l’époque où ils étaient encore un beau mensuel), avec les photos de Renaud Monfourny, qui m’ont donné envie d’en faire mon métier, avec le sentiment que ce n’était peut-être pas inaccessible.
- Quand avez-vous commencé à vous intéresser à la photographie ?
MZ : Assez tôt... on m’a offert mon premier appareil photo vers huit ans, un petit compact. Vers onze-douze ans, j’ai eu mon premier reflex. Mon père, qui a toujours fait beaucoup de photo en amateur, m’a appris les principes du tirage noir et blanc, sur un vieil agrandisseur, dans la cuisine familiale. Je ne pensais pas encore en faire mon métier ; jeune adolescent, je voulais faire du cinéma. Comme beaucoup de jeunes gens de ma génération, j’ai été marqué par
Le Grand Bleu de Besson, d’autant plus que j’étais déjà passionné par la mer : à l’époque, je voulais être soit océanographe, soit dessinateur de BD. Mais très vite, le cinéma a pris le dessus. J’ai commencé à fréquenter les séances du midi des petites salles de cinéma art & essai du Quartier Latin, à regarder « Le Cinéma de Minuit » le dimanche soir, à décortiquer des biographies de cinéastes… J’avais une douzaine d’années, et Truffaut a été très important pour moi à cette époque, avec la saga Antoine Doinel auquel évidemment je m’identifiais. Godard a été aussi très important, mais un petit peu plus tard. Autre grand choc esthétique :
Les Amants du Pont-Neuf de Leos Carax, que j’ai vu à sa sortie en 1991. J’ai gardé ce numéro des
Inrockuptibles, où il y avait une très longue interview de lui, ainsi qu’un hors série des
Cahiers du Cinéma qu’il avait supervisé, et cela a été le point de départ de nombreuses découvertes : cinématographiques bien sûr, mais également littéraires, picturales et musicales. J’y revenais très régulièrement, cela m’a servi de guide esthétique, en quelque sorte. Par ce biais, j’ai découvert les films de Dreyer, Bresson, Philippe Garrel, Claire Denis, les films noirs américains des années 30-40, la peinture d’Edvard Munch, les poèmes de René Char... En voyageant, d’œuvre en œuvre, on crée vite des liens entre elles, on s’invente une sorte de famille sensible. J’avais déjà en tête de passer le concours d’entrée à Louis Lumière. J’ai suivi une filière scientifique exprès pour ça, bien qu’étant plutôt littéraire. Ce n’est que plus tard, lorsque j’ai commencé mes études de photo, que j’ai vraiment découvert son Histoire, et que les films n’ont plus été les seuls à nourrir mon imaginaire.
La photo s’est vraiment imposée à ce moment-là, pendant ces trois années d’études à Louis Lumière. Comme souvent, on commence par photographier son amoureuse. Mes premiers vrais portraits sont ceux-là. Et puis, à la fin de mes études, j’ai commencé à travailler pour un fanzine musical,
Planet Of Sound (l’ancêtre de
Voxpop) grâce à Samuel Kirszenbaum, l’un des fondateurs du fanzine, qu’un ami commun m’avait présenté. C’est à partir de ce moment-là (2001) que j’ai commencé à faire des portraits de musiciens. Un jour, un attaché de presse d’une maison de disques m’a conseillé d’aller sonner à la porte de
Libération, mes quelques portraits sous le bras. Un mois après, le journal me confiait ma première commande.
Aujourd'hui encore, Samuel Kirszenbaum est la personne dont le regard est le plus important pour moi. Il m'a beaucoup appris en histoire de la photographie, et il m'oblige constamment à remettre en question ma manière d'aborder le portrait.
- Qu’est-ce qui vous passionne dans la photographie ?
MZ : L’excitation de découvrir ce qui sort de la boîte noire. Je ne sais pas si cela dure éternellement, cette excitation, mais en ce qui me concerne, elle est toujours là. Je souscris complètement à la phrase de Gary Winogrand : « Je photographie pour savoir à quoi ressemblent les choses une fois photographiées ». C’est de la pure curiosité enfantine.
- Quelle est la particularité de votre métier de photographe qui compte le plus pour vous ?
MZ : Que les jours se suivent et ne se ressemblent pas. D’avoir la chance de découvrir des mondes très différents, d’une personne photographiée à l’autre.
- Argentique VS numérique ?
MZ : J’ai longtemps résisté à la prise de vue en numérique, jusqu’à l’année dernière. Question de matière, d’habitude aussi. Mais cela va au-delà du rendu, que l’on peut finalement plus ou moins bien reproduire. C’est surtout à cause du manque de magie et de mystère du procédé que j’étais réticent, et que je préfère toujours l’argentique. À cause aussi de la possibilité de shooter des tonnes d’images, et de les effacer au fur et à mesure, si l’on n’est pas satisfait. Cela déresponsabilise le regard, à mon sens. Par ailleurs, j’aime les surprises que procure la pellicule lorsqu’elle réagit à certaines lumières. En numérique, j’ai l’impression que cet inattendu disparaît au profit d’une étendue infinie de possibilités qui peut vite donner le tournis. Quand on se retrouve devant une image totalement plate, que faire ? On peut retrouver le rendu de certaines émulsions, mais ce que la pellicule offre par nature demande beaucoup plus de temps à reproduire à partir d’une prise de vue numérique. Et cela reste artificiel. J’ai bien conscience que c’est une question d’outil, mais j’aime le contact avec les choses, les matières. Je trouve cela plus émouvant. Et aussi plus rassurant d’imaginer que dans 100 ans, on pourra toujours se débrouiller pour faire quelque chose d’un négatif, ce qui est loin d’être certain en ce qui concerne un fichier jpeg. J’utilise donc le numérique ponctuellement, lorsque les délais sont trop courts, ou dans certaines situations (faible luminosité, photo de concerts).
En revanche, le numérique pour le traitement d’images argentiques, c’est une autre histoire… La post-production numérique permet de fouiller une image de manière bien plus souple, et d’aller beaucoup plus loin qu’avec un agrandisseur. On peut redécouvrir ou même sauver des images grâce à ça. On peut aussi repousser les limites dans l’interprétation d’une photo, affiner la colorimétrie de manière sélective et extrêmement précise… Ces possibilités sont assez exaltantes.
- Quelle est l’activité qui vous permet de reposer vos yeux ?
MZ : Poser le diamant sur le vinyle.
- Quel conseil donneriez-vous à un tout-jeune photographe ?
MZ : D’être patient. De s’intéresser à beaucoup d’autres choses qu’à la photographie, l’art se nourrit de l’altérité. De ne pas demander de conseils.
- Quand vous photographiez quelqu’un, comment cela se passe t-il ? Que cherchez-vous à capter ? Et d’ailleurs, cherchez-vous quelque chose ?
MZ : Je cherche à être ému. À retrouver une impression, un sentiment de
déjà-vu, ou une résonance chez l’autre ; à ressentir une vulnérabilité chez lui comme chez moi. Je suis aussi très sensible à la photogénie d’une personne, qui n’est pas forcément synonyme de beauté ; mais j’ai une tendance plutôt empathique avec mes sujets.
Une idée assez largement répandue dans le monde de la photographie veut que le portrait soit nécessairement un rapport de force, duquel le photographe doit sortir gagnant. Je comprends ce point de vue, mais je pense que c’est beaucoup trop simpliste. Ce rapport de force, ce n’est que le point de départ. La rencontre de deux personnes qui, le plus souvent, ne se connaissent pas au moment de la prise de vue, implique tellement d’autres choses qui dépassent ce simple rapport de force. Je crois au contraire qu’il est important de se laisser dépasser par l’intensité du moment, qu’il faut accepter cette part d’incontrôlable, que beaucoup nous échappe lorsque l’on se retrouve face à son modèle. Je pense qu’il est vain d’essayer de capter la vérité d’une personne, tout comme il est vain de vouloir imprimer sa marque sur le visage d’un autre. Là où le portrait devient intéressant, à mon sens, c’est lorsque le photographe comme son modèle ont accepté qu’ils se trouvent face à un mystère insoluble, et que ce « hors champ » devient le sujet même de l’image. Cela arrive peu souvent… C’est assez difficile d’atteindre cet état d’abandon de part et d’autre de l’objectif. C’est l’une des raisons pour lesquelles je préfère ne pas être trop directif, ne pas trop parler pendant mes sessions photo. Donner des indications trop rigides, être trop bavard, ne favorisent généralement pas ce genre d’état, même si cela m’est arrivé de retrouver cette sensation dans un cadre très mis en scène, très préparé. Il n’y a pas vraiment de règle. C’est aussi une question de hasard, de la nature de la lumière à ce moment précis, de ce qu’a traversé la personne et de ce qu’on a soi-même vécu les minutes qui ont précédé la rencontre, des films ou des musiques qui nous ont marqués les jours précédents. Autant d’éléments qui peuvent changer son attitude et son état d’esprit du tout au tout, le jour de la photo. Je ne suis pas un adepte du portrait « psychologique », je trouve cela artificiel. Ce qui m’intéresse dans un portrait, c’est autant de retrouver ses propres obsessions que la transcription de l’énigme d’une rencontre. Créer un moment suspendu, un entre-deux, drôle parfois, où l'on peut s'imaginer un avant et un après, comme si l'on arrivait au milieu d'une histoire. Mais je mentirais si je disais qu’il n’y a que cette motivation dans mes images. À l’origine, il y a évidemment une pure jubilation visuelle, celle de jouer avec les formes, les matières et les textures, que l’on éprouve encore plus lorsque l’on travaille ses images sous un agrandisseur, sur du papier. C’est une autre forme d’émotion, plus brute, plus immédiate.
Tout ceci, bien sûr, est la version idéale d'un portrait. Il ne faut pas oublier que, très souvent, parce qu'il s'agit d'un travail de commande, l'essentiel est de réussir à concilier cette approche personnelle des choses avec les multiples contraintes du métier (deux minutes accordées pour une session photo imposée dans une chambre d'hôtel banale, un sujet récalcitrant dont on doit malgré tout obtenir quelque chose, etc.), d'en user, d'en jouer, et d'en créer quelque chose d'inattendu.
L’aventure VoxPop ?
MZ : Quand le magazine
Newcomer s'est arrêté, en 2006, ni Samuel Kirszenbaum, ni Jean-Vic Chapus, ni moi-même n'avions envie d'en rester là, et
VoxPop s'est monté tout naturellement. On souhaitait créer un magazine que les lecteurs voudraient conserver. Un beau magazine, dont on aurait envie relire le vieil article de ce numéro d'octobre qu'on avait vraiment aimé, un magazine qu'on prendrait plaisir à feuilleter, à refeuilleter, sur du beau papier, et dans un bon format. Il fallait une bonne raison de se lancer dans la création d'un magazine papier à l'heure du webzine. En cela, l’œil de notre jeune Directrice Artistique Audrey Elbaz a été décisif… On tenait aussi, bien sûr, à accorder une large place à la photographie (avec deux photographes comme co-fondateurs, normal !), avec notamment l’ambition de ne publier que des photos produites. On souhaitait aussi laisser de la place aux nouveaux talents, en photographie comme en journalisme. Cela a été le cas par exemple avec les jeunes photographes Julien Mignot, Louis Canadas, Delphine Ghosarossian ou Pascal Amoyel, qui ont été de vraies belles rencontres. D’un point de vue éditorial, on voulait sortir du train-train des artistes en promo, en se laissant la liberté d’aller à la rencontre des musiciens même lorsqu’ils n’ont rien à vendre. Le but : créer un magazine culturel qui analyse la société à travers le prisme de la musique. Et je pense qu'aujourd'hui on commence à trouver notre place. On ne peut pas vraiment parler de concurrence avec d’autres magazines, je pense plutôt que l’on complète l'offre. Les pressions économiques et structurelles sont énormes, et bien sûr, on n’a pas la même marge de manœuvre qu'un gros groupe de presse. Mais au final, on apprend à être plus inventifs, plus ambitieux au milieu de toutes ces contraintes ; et ce que l’on perd en moyens est compensé par une totale liberté éditoriale. Les bonnes volontés s'additionnent, la petite famille s'agrandit. On est fiers d’avoir tenu déjà quatre ans, en restant farouchement indépendants. C’est très fatiguant, mais le résultat en vaut la peine !
À relire aussi : l'historique de VoxPop raconté par ses co-fondateurs, Samuel Kirszenbaum et Jean-Vic Chapus.
QUESTIONS SUBSIDIAIRES
- Quel autre métier auriez-vous aimé faire ?
MZ : Cinéaste.
- Quel métier n'auriez-vous pas aimé faire ?
MZ : Bourreau.
- Quelle est votre drogue favorite ?
MZ : Le comté.
- Qu’est-ce qui vous fait réagir le plus de façon créative, spirituellement, ou émotionnellement ?
MZ : L’émulation, le dialogue, l’échange d’idées.
- Qu’est-ce qui, au contraire, vous met complètement à plat ?
MZ : La fatuité.
- Quel bruit détestez-vous ?
MZ : La machine à café à court d’eau.
- Qui aimeriez-vous shooter pour mettre sur un nouveau billet de banque ?
MZ : Robert Badinter.
- Quel est votre juron, gros mot, blasphème, favori ?
MZ : "
Fait chier!"
- Quel don de la nature auriez-vous aimé avoir ?
MZ : Le don de guérison.
- Avez-vous un objet fétiche, un porte-bonheur ?
MZ : Mon alliance.
- Qu’avez-vous été capable de faire par amour ?
MZ : Deux beaux enfants.
SI VOUS ÉTIEZ
- Une couleur ?
MZ
: Noir c’est noir.
- Une chanson ?
MZ : "Grace Cathedral Park" de Red House Painters.
- La couv d’un album ?
MZ :
Heroes de David Bowie.
- Un objet ?
MZ
: Un plan de Paris.
- Un parfum ?
MZ : L’odeur des rues après l’orage.
- Un artiste ?
MZ : Une vieille cabine de photomaton.
- Un alcool ?
MZ : Le Naxos Kitron, une fameuse liqueur de citron grecque… un must dans une salade de fruits.
- Une œuvre d’art ?
MZ :
Jacqueline avec les bras croisés, de Picasso.
INTERVIEW « RÉFLEXE »
- Que faites-vous de vos yeux, lorsqu’ils ne sont pas derrière un objectif ?
MZ : Ils regardent ceux que j’aime. Ou ils corrigent des articles de
VoxPop…
- Quand vous fermez les yeux, quelle image apparaît ?
MZ : La prochaine.
- Quel est le réflexe dont vous êtes le plus fier ?
MZ : De survie.
- Qu’est-ce que vous ne pouvez pas encadrer ?
MZ : La méchanceté gratuite. Le cynisme.
- Qu’est-ce qui déclenche une envie de photo ?
MZ : La curiosité, cf. la phrase de Winogrand plus haut.
- Votre état d’esprit sur la situation de votre métier ? Positif ou négatif ?
MZ : Trop de poches tue le gilet multipoches.
- Devant quel sujet ne pouvez-vous pas rester objectif ?
MZ : Mes amis.
- À quoi sert un photographe ?
MZ : Un seul, à rien. Mais avec trois, on peut visser une ampoule : un pour la tourner, et deux pour dire « Oh, ça, j’aurais pu le faire aussi ».
- Envie de faire une mise au point, là, tout de suite ?
MZ : C’est Zazzo, avec deux Z, pas Zazoo avec deux O.
- Quel est votre boîtier fétiche ?
MZ : Rolleiflex SL66. C’est un vieux grincheux, mais je ne pourrais pas m’en passer.
- À quoi êtes-vous le plus sensible ?
MZ : Au regard qui trouble, à la mélodie qui ne te lâche pas, à la générosité.
- Qu’est-ce qui passe avec succès, l’épreuve du temps ?
MZ : L’oubli.
Un photographe + un labo
Mathieu Zazzo & Processus
- Pourquoi avez-vous choisi Processus ?
MZ : À mes débuts je faisais tout moi-même, développement et tirage couleur et n&b, mais j'ai assez vite manqué de temps pour continuer de concilier la prise de vue et la partie labo. À ma première commande pour
Télérama, en 2002, j'ai suivi les conseils de Laurent Abadjian, et je suis allé chez Processus. J'ai eu tout de suite l'impression d'arriver dans une famille. Et leur travail est irréprochable. Par exemple, je n'ai eu, nulle part ailleurs, de meilleures planches contact argentiques. J'apprécie cette souplesse dans le traitement de la chromie, adapté à la manière de travailler de chaque photographe. L'offre est très complète, quel que soit le type de traitement, et le type de support, en argentique comme en numérique. Les délais, même très serrés comme ils peuvent l'être souvent dans la presse, sont toujours tenus, souvent même devancés ! Je sais que je vais pouvoir compter sur eux pour gérer un rush de dernière minute. Et les prix sont attractifs. On travaille ensemble. C'est important de pouvoir prendre, à un moment donné, un peu de recul sur son travail, et de trouver dans son labo un regard neuf, un point de vue extérieur qui permet de respirer et d'aller plus loin. Ils connaissent bien mon travail et savent très vite aller dans la bonne direction.
C'est aussi grâce à eux que
VoxPop a pu continuer d'exister. Je ne vais ailleurs que lorsque Processus est fermé pour les vacances. Parce que je suis bien obligé !
L'ARRÊT SUR IMAGE de Mathieu Zazzo
Le photographe Mathieu Zazzo décrypte ce mois-ci, pour Processus, l'une de ses images.
Cat Power. Novembre 2005
MZ : J’ai choisi ce portrait de Chan Marshall (alias Cat Power), car c’est avec cette image que j’ai assumé pour la première fois en situation de commande le fait qu’un portrait ne soit pas nécessairement descriptif, qu’il puisse aussi être une évocation, ou une idée, avant d’être un visage. C’était juste avant la sortie de son album «
The Greatest », qui l’a fait passer de la catégorie d’icône indé à celle de diva folk. Elle était peu sûre d’elle, se trouvait moche ce jour-là, n’arrêtait pas de se cacher derrière ses cheveux, oscillait entre l’introspection et l’excitation. La photo devait figurer en couverture du magazine
Newcomer ; j’avais apporté ce drapeau des États-Unis, car l’idée de l’article était de la confronter au grand catalogue des classiques américains, de Billie Holiday à Johnny Cash. Je lui ai demandé de s’enrouler dans le drapeau, ce qu’elle a fait au début avec un peu de réticence car elle éprouve des sentiments très contradictoires envers son pays ; elle a d’ailleurs un peu de sang Indien. Mais après quelques images, elle s’est détendue, sa posture s’est affirmée, jusqu’à devenir une sorte de vestale cherokee… Cette image, l’une des premières de la série, est pourtant celle que je retiens. Déjà parce qu’elle a quelque chose de graphique qui m’a tout de suite sauté aux yeux sur la planche contact. Ensuite parce qu’elle a cette énigme, ce mystère que je recherche dans mes images. Et ce mouvement de retrait derrière le drapeau peut se lire de différentes manières, c’est aussi ce qui me touche.
C’était dans un couloir de l’hôtel Murano à Paris, la seule lumière provenait d’une petite fenêtre. Juste après, on a poursuivi la session photo dans une chambre toute blanche, où elle a posé avec le vinyle de «
Another Side Of Bob Dylan », serré contre elle.
Appareil : Rolleiflex SL66. Pellicule : TRI-X 400 poussée à 800 ISO. Tirage sous agrandisseur sur papier Baryté.
Interview : Sandrine Fafet
(Décembre 2011)