INTERVIEW
On ne compte plus les personnalités du cinéma, de la littérature, de la politique française et internationale, qui ont dû faire face à l'objectif sans concessions des photographes de l'agence. Moments brefs, souvent intenses, qui se jouent dans les suites d'hôtels parisiens, les chambres des palaces de Cannes, les coulisses d'un music-hall, le bureau d'un ministère. Un échange parfois tendu, toujours subtil entre le photographe et son modèle. Maître du cadre, de la lumière, de l'instant, le photographe doit aussi savoir diriger celui qui lui fait face, l'amener à entrer dans son univers. Résister aux tentatives de maîtrise de l'image que l'entourage du modèle tente parfois d'imposer. Séduire, convaincre, proposer un autre regard pour donner à voir autre chose.
- Il y a tout juste un an, vous avez donc décidé de créer votre propre agence.
modds : Notre intention a été de fédérer différentes écritures photographiques au sein d'un projet commun, de proposer aux médias français et internationaux, des images originales, pertinentes et fortes. Leurs auteurs trouvent naturellement leur place auprès d'autres photographes, d'autres individualités, d'autres regards singuliers, qui ont su inscrire, et inscrivent aujourd'hui encore leur empreinte dans l'Histoire de la photographie, usant d'une grande liberté de création, et toujours prêts à bousculer le tranquille agencements des certitudes.
- Les photographes de l'agence modds, qu'ont-ils en commun ?
modds : L'intransigeance vis-à-vis d'eux-mêmes, la recherche permanente de formes et d'approches qui permettent de développer des écritures qu'ils mettent au service des journaux et des magazines qui leur font confiance.
- Concrètement, en quoi consiste votre mission auprès des photographes de l'agence ?
modds : Dans un premier temps, à vendre les archives des photographes et ensuite à les accompagner, autant dans leur travail de commandes que dans leurs projets personnels, les expositions, l’édition ; les faire connaître à l'étranger.
- L'une de vos principales missions est donc de contribuer à la valorisation de cet héritage photographique français ?
modds : Chaque jour, nous-mêmes, sommes surprises, bluffées, par le travail des photographes, par les nouvelles mises en scène qu'ils imaginent, et l'on trouve sincèrement dommage qu'il soit quasiment impossible de voir leurs images ailleurs qu'en Une des journaux ou des magazines. D'autant plus que les lecteurs de ces magazines reconnaissent les signatures et s'intéressent à ce travail. On reçoit beaucoup de messages nous demandant où voir d'autres images, hormis dans la presse. Toutes ces images constituent le patrimoine photographique d'un temps, d'une époque. Et il est indispensable de le faire vivre.
- Vous êtes une jeune agence. Pourtant modds donne l'image d'une équipe déjà très soudée.
modds : Notre histoire était déjà longue. Nous sommes toutes les deux arrivées chez Corbis en 2001. Outline Paris était une entité à part, au sein de Corbis, dans laquelle il n'y avait alors quasiment que des photographes américains. Nous avons monté progressivement une équipe de photographes français dont l'univers jugé "trop sombre, trop dépressif" n'a pas vraiment convaincu outre-Atlantique, où l'on cherchait à imposer des règles d'éditing, d'approche, et de traitement de l'image, stéréotypées, normalisées, édulcorées ; fonds clairs, larges sourires, etc. En France, notre département privilégiait la production ciblée. Ces divergences nous plaçaient dans un perpétuel bras de fer avec les États-Unis.
- Et au final, avez-vous obtenu la confiance de Corbis ?
modds : Jamais vraiment, non, et pourtant, dix ans plus tard, ces mêmes photographes français comptaient parmi ceux qui vendaient le plus d'images chez Corbis Outline. En s'obstinant à refuser les règles imposées, ils ont réussi, au fil des années, à décrocher une infinité de publications dans les journaux et les magazines du monde entier. Ils ont su gagner la confiance des rédactions. Ils n'étaient qu'une dizaine, parmi des centaines de photographes américains.
- De Corbis Outline à modds, il n'y avait donc qu'un pas...
modds : En 2010, Corbis a fermé son département "production" à Paris, continuant à centraliser les équipes principalement sur Londres. Nous avons alors décidé de poursuivre l'aventure, en gardant cette même volonté de faire différent. Grâce aux photographes, et avec eux, nous sommes restées convaincues qu'il était essentiel de mettre toute notre énergie au service de leur travail. De cette volonté est née modds.
- Que remarquez-vous concernant la situation des photographes actuellement ?
modds : Beaucoup de photographes nous contactent depuis notre création. Ils sont à la recherche de structures pour les accompagner. La plupart d'entre eux ont vraiment du talent, mais beaucoup galèrent. Difficile de réussir seul à imposer sa vision et de résister aux pressions des clients. Ce qui nous fait plaisir, ce sont tous ces magazines russes, brésiliens, italiens, américains, qui nous disent qu'ils aiment ce que font les photographes, ce que nous faisons, et qui souhaitent travailler avec nous. Lorsque l'on a commencé, en couvertures des magazines, on ne voyait que des images de photographes américains. Or l'international a maintenant envie de publier des photos de tous ces photographes français. Ils osent prendre des risques, cherchent à provoquer des émotions chez leurs lecteurs, bien conscients que leur identité, leur originalité et leur pertinence passent aussi par les images qu'ils publient.
- Et pourquoi "modds" ?
modds : Nous avons beaucoup cherché, et face à la difficulté de trouver un nom qui n'était pas déjà déposé, nous avons choisi Marie, Olivia, Delcroix, Delhostal. Nos initiales au pluriel, tout simplement.
QUESTIONS SUBSIDIAIRES
- Quel autre métier auriez-vous aimé faire ?
MD : Détective privé. Ou nez.
- Quel métier n'auriez-vous pas aimé faire ?
OD : Détective privé.
- Quelle est votre drogue favorite ?
OD : Croco qui pique.
MD : Pulco citron.
- Quel bruit, quel son, aimez-vous faire ?
MD : Le pigeon.
OD : Grrrrrrrrrrrrrrrrrr.
- Quel bruit détestez-vous ?
OD : Le pigeon.
MD : Le scratch.
SI VOUS ÉTIEZ
- Une couleur ?
OD : Rose.
MD : Fushia.
- Une chanson ?
MODDS :
Les brunes comptent pas pour des prunes, de Lio.
- Une saison ?
OD : L'été.
MD : L'automne.
- Un parfum ?
OD : Petite chérie.
MD : Mûre et musc.
- Un sentiment ?
MODDS : La joie.
- Un alcool ?
OD : Le pastis.
MD : L'anisette.
- Un(e) artiste ?
MODDS : Gertrude Stein.
- Une œuvre d’art ?
MODDS :
Les pierreuses au bar, de Picasso.
UNE AGENCE + UN LABO
modds & Processus
- Pourquoi avez-vous choisi Processus ?
modds : Notre collaboration s'est faite de manière très naturelle. Beaucoup de photographes de l'agence travaillaient déjà exclusivement avec Processus avant d'intégrer l'équipe de modds. Et puis nous avons rencontré Marie-Laure... Nous partageons la même idée de notre travail, et avons un grand plaisir à travailler ensemble.
La qualité, le talent et la gentillesse de l'équipe de Processus sont d’un grand soutien dans notre travail au quotidien.
CINQ LETTRES, DOUZE SIGNATURES
MODDS : Une agence de photographes
Nous avons demandé aux photographes de l'agence modds ce qu'elle représentait pour eux. Témoignages.
Jérôme Bonnet
Modds, c'est Olivia et Marie, leurs attentions, leur gentillesse, leur enthousiasme, leur compétence.
Et aussi des photographes, leurs talents, ma fierté d'appartenir à ce groupe.
Ludovic Carème
Modds ? C'est l'idée de deux filles, Marie et Olivia. Elles aiment passionnément douze photographes (que des garçons...) et sont prêtes à en découdre avec quiconque s'aviserait de spolier leurs droits d'auteur.
Vincent Ferrane
J’étais tout jeune photographe lorsque j’ai rencontré Marie et Olivia pour la première fois. Je me souviens qu’à l’époque lorsque je montrais mon portfolio, il n’était pas rare que mon interlocuteur le feuillette d’un air distrait et machinal, fasse tourner les pages au rythme d’un flip book et ne s'interrompe guère que pour répondre à un texto. Alors la première chose qui m’a marqué chez Olivia et Marie, c’est sans doute leur regard sur mes images. Une vision à la fois bienveillante et sans compromis. Une capacité à comprendre la photographie et à faire le lien avec sa diffusion. Nous ne travaillions pas encore ensemble à l’époque. Mais elles m’ont néanmoins donné une liste de personnes à contacter. Il s’agit des personnes qui m’accompagnent encore aujourd’hui.
Modds s’est, je crois, autant construit sur des qualités humaines et artistiques, que commerciales, sur une volonté intacte de diffuser et de défendre la photographie et les photographes.
Roberto Frankenberg
Modds EST Olivia et Marie. Grâce à leur professionnalisme, leur exigence, leur bienveillance et leur envie d’encourager chacun d’entre nous dans le sens de ses envies, elles nous motivent à chercher plus loin.
On se sent vraiment entourés par des interlocutrices de rêve avec qui nous pouvons parler de tout.
Samuel Kirszenbaum
Modds pour moi, c'est le respect de certaines exigences essentielles aujourd'hui, à l'heure où beaucoup de valeurs sont revues à la baisse. C'est du respect envers les photographes et les partenaires de travail, allié à une manière intelligente de voir le marché de la photo.
C'est la volonté d'aller plus loin qu'être une simple agence de syndication, de dépasser le commercial pour en faire un acteur institutionnel incontournable. Et elles y arrivent.
Antoine Le Grand
Deux filles amoureuses de la photo, qui ont un vrai respect du travail d'auteur. Elles ont su former une équipe de photographes qui ont chacun leur signature.
Elles sont destinées à un vrai futur, vers de nouveaux horizons, avec des aventures photographiques à partager. C'est une nouvelle façon de diriger, dans tous les sens du terme, une agence de photos.
Vincent Lignier
Modds, c'est la confiance que je donne à Olivia et Marie.
Jean-Francois Robert
Pour moi, c'est la chance d'évoluer dans un climat de confiance absolue et dans le respect de certaines valeurs (souvent considérées comme désuètes aujourd'hui), telles que la gentillesse, l'intégrité, l'honnêteté... Et comme le temps (dix ans) a fait son oeuvre, aujourd'hui je peux dire aussi que je travaille avec des amies, ce qui est encore plus précieux.
Denis Rouvre
Marie et Olivia, c'est une histoire de famille qui remonte à plus de dix ans. Cette famille, c'est elle qui l'ont créée, et ont su fédérer autour d'elles tous ces photographes de talent. L'une maman quand l'autre est plus une soeur, toutes les deux ont mis tout leur amour d'une certaine photographie en avant, dans le respect des individus, et animées d'un grand esprit d'indépendance. Je suis fier de faire partie de cette équipe. Longue vie à modds.
Patrick Swirc
Modds, c'est une agence de photographes à la "modds".
Benni Valsson
1 part de vodka, 1 part de gin, 1/4 de campari, 1/4 de triple sec, beaucoup de glace - bien secouer - boire abondamment.
Rüdy Waks
Modds, ce sont de drôles de dames.
Le mot de la fin, par Marie-Laure Metge-Escuriol - fondatrice de Processus.
MLM : "Marie et Olivia, en plus de leur gentillesse, sont généreuses et déterminées. Malgré la conjoncture que l'on connaît, elles ont orchestré de mains de maître cette première année. Elles réunissent à elles deux les plus grands portraitistes actuels. Elles ont fait de modds une agence de très haut niveau. Nous sommes fiers de travailler à leurs côtés, et heureux de souffler ensemble cette toute première bougie. Bon anniversaire les modds, et longue vie."
Interview : Sandrine Fafet
(Juin 2012)