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Le photographe Thomas Lang

Thomas Lang est (enfin) photographe : après avoir exercé plusieurs métiers dans le web, le théâtre et l’audiovisuel, un événement personnel le conduit à tout interrompre. Il décide alors de reprendre des études en photographie, et de tenter sa chance dans ce métier. Processus vous propose d'explorer ce mois-ci le travail de ce photographe, dans les grandes largeurs.
LEGENDE
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INTERVIEW

- Quels sont les photographes qui vous ont donné envie de faire de la photo ?
Thomas Lang : J’ai toujours essayé de fuir les influences, les écoles. Ce ne sont pas des photographes qui m’ont donné envie de faire de la photo, c’est le fait d’avoir un appareil entre les mains. Mais, je dois admettre que Martin Parr a été une révélation pour moi, à la fin des années 90. Ses images étaient un parallèle avec mon environnement quotidien, je m’y retrouvais. Elles représentaient ce que je voulais exprimer, à la sortie de l’adolescence.
Puis sont venus d’autres photographes, Gilles Caron, Guy Bourdin, Nan Goldin, Andreas Gursky, Hervé Guibert, Antoine d'Agata… pour les mêmes raisons, à différentes étapes de ma vie. Leurs images résonnaient parfois brutalement en moi, répondaient à des manques, et j’ai mis longtemps à comprendre que pour résoudre l’équation, je devais devenir moi-même photographe.

- Premiers contacts avec la photographie ?
TL : On m’a offert un appareil très basique, j’avais 12-13 ans. C’est longtemps resté un jardin secret, l’endroit où je pouvais faire l’expérience de la solitude et laisser libre court à ma sensibilité. L’idée a fait ensuite doucement son chemin et je suis finalement devenu photographe... à 30 ans !

- Et les débuts en photo ? 
TL :  Très vite, dès mon premier appareil. J’ai eu ensuite envie d’aller plus loin avec le cinéma, et je me suis alors intéressé assidument à l’écriture et à la photographie, mais j’ai fait un choix plus pragmatique d’études. Je ne m’autorisais pas l’idée d’être photographe, je pense que j’avais peur : je savais qu’il était question de se mettre en danger, de se montrer, de s’interroger.

- Pourquoi êtes-vous devenu photographe ?
TL : Pour être libre. Ce n’est pas juste une passion, c’est une façon de vivre et d’être en accord avec moi même, au quotidien.

- Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans la photographie ?
TL : Le pouvoir d’arrêter le temps, de l’enfermer, d’éviter qu’il nous échappe.

- Que pensez-vous du comparatif argentique / numérique ?
TL : Je pratique les deux. J’apprécie les deux. Je ne suis pas un puriste et je pense que chacune de ces deux techniques peut répondre à des besoins très différents. Je suis arrivé dans le métier à une époque où le numérique avait déjà pris sa place, je n’ai pas vraiment eu le choix, j’ai dû apprendre à me servir d’un boîtier numérique sur ma première commande. J’aime l’image, argentique, numérique, animée, figée, sur le web, dans la rue…

- Quelle est l’activité qui vous permet de reposer vos yeux et de ressourcer votre envie de photographier ?
TL : Le sommeil. L’envie de photographier, je n’en manque pas, je m’accorde des pauses sans appareil, sans connexion Internet. Je n’ai que très rarement cette sensation d’overdose.

- Un beau souvenir d'une prise de vue ? 
TL : Une prise de vue dans un établissement pour personnes en situation de handicap. Une mère qui me disait que j’allais perdre mon temps avec son fils trisomique dont elle n’arrivait pas à avoir une belle image. J’ai pris le temps : on a réussi à en faire une, un regard franc, un léger sourire… Ma journée était gagnée. 

- Pourriez-vous vous passer de prendre des photos ?
TL : J’ai attendu longtemps pour devenir photographe car j’estimais que ce n’était pas une activité vitale, que je pouvais vivre sans créer. J’en suis finalement revenu. Je sais aujourd’hui que j’ai besoin de faire pour vivre, et prendre des photos entre autres choses.
 

QUESTIONS SUBSIDIAIRES

- Quel (autre) métier auriez-vous aimé faire ?
TL : Danseur étoile.
 
- Quel métier n'auriez-vous pas aimé faire ?
TL : Psychanalyste.
 
- Quelle est votre drogue favorite ?
TL : Le soleil.
 
- Qu’est-ce qui vous fait réagir le plus de façon créative, spirituellement, ou émotionnellement ?
TL : La musique.
 
- Qu’est-ce qui, au contraire, vous met complètement à plat ?
TL : La connerie.
 
- Quel bruit, quel son, aimez-vous faire ?
TL : J’hurle, de temps en temps.
 
- Quel bruit détestez-vous entendre ?
TL : Les klaxons.
 
- Qui aimeriez-vous shooter pour mettre sur un nouveau billet de banque ?
TL : Une femme.
 
- Avez-vous un objet fétiche, un porte-bonheur ?
TL : Non.
 
- Quel est votre juron, gros mot, blasphème favori ?
TL : "Putain".
 
- Quel don de la nature aimeriez-vous posséder ?
TL : Voler.
 
- En quoi aimeriez-vous être réincarné ?
TL : En oiseau.
 
- À quoi vous sert l’art ?
TL : À ouvrir les yeux.
 
- À quoi sert un photographe ?
TL : …
 

SI VOUS ÉTIEZ

- Une couleur ?
TL : Le rouge.
 
- Une chanson ?
TL : Lucky Boy, de DJ Mehdi.  
 
- Une saison ?
TL : L’été.
 
- Un parfum ?
TL : Celui de ma femme.
 
- Un sentiment ?
TL : L’amour.
 
- Un objet ?
TL : Un sac à dos.
 
- Un alcool ?
TL :  Un whisky.
 

UN PHOTOGRAPHE + UN LABO
Thomas Lang & Processus

- Pourquoi avez-vous choisi Processus ?
TL : Je suis venu chez Processus sur les conseils d’un ami photographe et je suis resté fidèle à ce labo car, au-delà de la qualité professionnelle, il y a un je ne sais quoi humain partagé par toutes les personnes qui y travaillent. C’est l’élément important pour moi, l’humain. Je m’y sens bien, ils m’accompagnent et m’apportent la confiance et la sérénité dont j’ai besoin dans mon travail personnel.
 

ARRÊT SUR IMAGE de Thomas Lang


Thomas Lang décrypte pour nous la série Six fois six, présentée au Off des Rencontres d'Arles.
TL : Six fois six, au départ, c'est un jeu, une respiration dans mon rapport à la photographie. Je voulais raconter des histoires, d’une autre manière. Être dans une narration et sortir de l’instant. Les premières planches étaient magiques, des accidents, ma femme enceinte… J’ai découvert les photocollages de David Hockney et j’ai voulu allez plus loin, mais c’était très laborieux. J’ai dû faire plusieurs dizaines de planches, mais les résultats étaient trop aléatoires. J’ai mis cette idée de côté. Le projet d’exposition d’une série dans le cadre du Off des Rencontres de la Photographie m’a poussé à reprendre ce travail. J’avais carte blanche, des amis fans de photos venaient d’ouvrir un restaurant au cœur d’Arles, et ils m’ont proposé d’exposer.
En pratique, chaque planche est différente. J’ai travaillé au départ à main levée, puis je suis passé sur pied, différentes optiques, avec ou sans repérage… Je voulais éviter de mettre en place des règles trop rigides, éviter que les mathématiques perdent leur poésie. Les nouvelles planches apportent d’autres éléments. Je me rapproche, du corps, des visages. Ensuite, mon sujet se révèle. La recherche d’unité, comment recoller les morceaux, le puzzle intérieur, le morcellement du corps, les jardins secrets, les vérités cachées…
Les sujets apportent à la technique, la remettent sans cesse en cause, du moins pour cette deuxième étape de la série. Dans ma logique, il n’y a pas vraiment d’échec, il y a encore de nombreuses étapes. La dernière planche, un nu, n’est pas parfaite, mais la rencontre était belle, le résultat, animal, surprenant, m’amène ailleurs, et c’est bien là l’essentiel pour moi. 


Interview : Sandrine Fafet
(Janvier 2013)