INTERVIEW
- Vous êtes née en Afrique du Sud. Où avez-vous grandi ?
Betina Du Toit : J’ai grandi dans la ville de Wellington, à quelques kilomètres à peine de Cape Town. L’immense variété des paysages de cette région de l’Afrique m’a souvent inspirée dans mon travail de photographe. Et aujourd’hui encore, ces vastes étendues comptent pour moi parmi mes lieux de shooting préférés.
- Où vivez-vous et où travaillez-vous la plupart du temps ? En France ?
BDT : Partout où les routes sinueuses peuvent me conduire…
- Quel est votre endroit préféré du monde, pour y vivre ou pour y travailler ?
BDT : Pour le moment, c’est à Paris que je me sens chez moi. Mais pour mon travail, je dirais partout. L’essentiel est que tous les éléments soient réunis pour provoquer l’étincelle et créer l’image. J'aime les grands espaces, les couleurs d'automne, les ciels d'hiver, j’aime parcourir les routes, suivre les lignes épurées de l’horizon, à la rencontre de tous ces visages fascinants qui peuvent croiser mon chemin.
- Comment décrire votre style photographique ?
BDT : Naturel, expressif, et dépouillé de tout ce qui n’est pas essentiel.
- Pouvez-vous expliquer votre approche et votre façon de travailler ?
BDT : Intuitive et intime. J’ai besoin de ressentir l’énergie, comme une sorte d’urgence.
- Comment la photographie est-elle entrée dans votre vie ?
BDT : Cela m’est tombé dessus, en quelque sorte. Enfant, j’avais été fascinée par un appareil photo de poche Kodak que j'avais gagné à un concours de coloriage…
J’ai d’abord travaillé quelque temps dans l'édition et puis, au hasard de quelques belles rencontres, j'ai décidé de me consacrer à cette passion que j’ai toujours ressentie en moi, la photographie.
- Pourquoi êtes-vous devenue photographe ?
BDT : La photographie est pour moi une tentative, sans cesse répétée, de fixer ce moment fugace où tous les éléments sont réunis ; capter un sentiment. Ce moment magique. C'est vraiment addictif.
- Numérique vs argentique ?
BDT : Je pense qu'il y a de la place pour les deux médiums. Le numérique a su apporter un nouvel éventail de possibilités.
- Où puisez-vous votre inspiration ?
BDT : Très honnêtement, je n’en ai aucune idée. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne s’agit pas d’une seule et même chose. Ni même de références auxquelles je pourrais me rattacher. Au fond, c’est peut-être un mélange d’idées, d’expériences, de tout ce que j’ai pu voir ou entendre auparavant, tous ces petits fragments que l’on porte en soi. Je pense vraiment que c’est le reflet de ce que je ressens et de ce à quoi je m’identifie, qui, instinctivement, tend à revenir de façon récurrente dans mon travail.
QUESTIONS SUBSIDIAIRES
- Quel (autre) métier auriez-vous aimé faire ?
BDT : Avocat plaidant.
- Quel métier n'auriez-vous pas aimé faire ?
BDT : J’ai tenu environ deux semaines comme serveuse.
- Quelle est votre drogue favorite ?
BDT : Une route, une voiture rapide, et la solitude.
- Qu’est-ce qui vous fait réagir le plus de façon créative, spirituellement, ou émotionnellement ?
BDT : Un flot de mélancolie.
- Qu’est-ce qui, au contraire, vous met complètement à plat ?
BDT : La banalité du quotidien.
- Quel bruit détestez-vous entendre ?
BDT : Le compte à rebours.
- Quel est votre juron, gros mot, blasphème favori ?
BDT : Je ne jure pas, voyons !
- Quel don de la nature aimeriez-vous posséder ?
BDT : Être douée pour les chiffres et les mathématiques en général.
- Avez-vous un objet fétiche, un porte-bonheur ?
BDT : Non, aucun.
- En quoi aimeriez-vous être réincarnée ?
BDT : Le chat de ma mère semble mener une vie bien tranquille…
- Qu'est-ce que l'art pour vous ?
BDT : Un sentiment.
- Que faites-vous de vos yeux lorsqu’ils ne sont pas derrière un objectif ?
BDT : Je rêve tout éveillée, les yeux dans le vague…
- À quoi sert un photographe ?
BDT : À fixer et transmettre un message, qu’il soit direct et spontané, ou plus indirect.
SI VOUS ÉTIEZ
- Une couleur ?
BDT : Le bleu.
- Une chanson ?
BT : « Blowin’ in the wind », de Bob Dylan.
- Un objet ?
BDT : Un stylo.
- Une saison ?
BDT : L’automne.
- Un parfum ?
BDT : Celui du jasmin (ces fleurs me rappellent mon enfance).
- Un animal ?
BDT : Un chat.
- Un sentiment ?
BDT : La nostalgie.
- Une/un artiste ?
BDT : Amedeo Modigliani.
- Une œuvre d’art ?
BDT : Proserpine, de Dante Gabriel Rossetti.
UN PHOTOGRAPHE + UN LABO
Betina Du Toit & Processus
- Pourquoi avez-vous choisi Processus ?
BDT : Je suis sensible à cet état d’esprit que je retrouve là-bas ; une attention toute particulière portée aux détails et aussi une obsession commune pour la couleur.
L’ARRÊT SUR IMAGE de Betina Du Toit
Nom de l'image : Lorna
- Quand et où l'avez-vous prise ?
BDT : Novembre 2018, en Islande.
- Que représente pour vous cette image ?
BDT : C’est peut-être le reflet d'un secret, d'un sentiment d'intimité, d'un moment fugace. J'ai visité l'Islande en 2014 et cette vision d'une eau bleue d’une pureté infinie me revenait sans cesse à l’esprit. Je savais qu’il fallait que j’y retourne, je voulais cette image. Dans chaque pays la lumière est différente, le ciel est différent. En Islande, pour moi, il y a quelque chose de magique dans l’air. Les paysages, ces vastes espaces, les gens que l’on croise, ce sentiment de solitude qui vous remplit, cette douce tranquillité.
- Qu'aimez-vous particulièrement dans cette photo ?
BDT : Ces lignes minimales qui vous mènent à l'essentiel : le visage et le naturel de Lorna, et cette présence quasi fantomatique.
Interview (en anglais) : Sandrine Fafet
(Novembre 2019)